Histoire

Sanctus Laurentius de Guastina

Saint-Laurent-en-Gâtines, Sanctus Laurentius de Guastina ou Wastina, selon les chartes de Marmoutier du XIe siècle, se situe dans la Gâtine Tourangelle.

À l’origine le pays de Gâtine se confond avec la forêt du même nom, qui couvre un vaste territoire correspondant au plateau occupant les confins de la Touraine septentrionale et du Bas Vendômois. Pays de landes et de terres incultes, la foresta Wastina en 1032 ou en 1040, est citée dans les cartulaires de l’abbaye de Marmoutier.

Pour les auteurs anciens, ce toponyme s’applique aux forêts « gâtées » c’est-à-dire dévastées par des déboisements et des pacages abrasifs, des incendies répétés, où les landes exploitées et les terres agricoles dégradées par lessivage remplacent largement la forêt primitive.

On trouve peu de traces de cette forêt de Gâtine, chantée par Ronsard, dans la toponymie. Seule la commune de Saint-Laurent, qui était située au cœur de la forêt médiévale, a conservé le nom de Gâtine. Elle se présente presque comme une capitale de la Gâtine Tourangelle dont elle fut le lieu le plus important.

Il existe cependant deux bois de Gâtines, l’un près des vestiges de l’abbaye de Gâtines entre Villedômer et Saint-Laurent, et l’autre entre les Hermites et Montrouveau, ainsi qu’un hameau nommé Gâtine, entre les Essarts et Villedieu-le-Château (Loir-et-Cher). L’abbaye Notre-Dame de Gâtines était située sur la commune de Villedômer2.

Cette partie nord de la Touraine, exploitée par quelques bûcherons, fut sans doute peu habitée. « En raison même de cette grande forêt de Gâtine, jusqu’au XIe siècle, la circulation était peu active et on ne trouve trace de la construction de villages qu’à partir de l’époque du défrichement. Aucune route ne traversait complètement la contrée du nord au sud ou de l’est à l’ouest. La voie romaine, qui réunissait Chartres à Tours, n’entrait pas en Gâtine. Les seules routes que nous retrouvons au cours du XVIIIe, avant 1766, contournent la Gâtine et lui forment presque ses limites. Une voie assez fréquentée unissait Montoire et Chartres à Tours, par Château-Renault et Authon. Une autre venait de Blois et allait à la Chartre-sur-le-Loir et au Mans par Château-Renault, Saint-Laurent-en-Gâtines, Louestault, Bueil et Villebourg. »

Une seigneurie de fondation royale

L’histoire du Pays de Gâtine compte surtout à partir de l’époque de son défrichement, au XIe siècle, par Renaud 1er, Comte de Vendôme. Les châtellenies et les monastères de Château-Renault, Lavardin, Montoire, Vendôme, La Chartre-sur-le-Loir, Marmoutier, avaient, dès les premiers temps, mis en servage toute cette contrée.

Des chartes, conservées aux Archives d’Indre-et-Loire, datant des années 1007 à 1020, nous apprennent qu’à cette époque, Saint-Laurent appartenait incontestablement à Marmoutier, qui y avait établi un prieuré. Ce n’était pas un simple prieuré, mais plutôt une véritable seigneurie possédant tous les droits inhérents à la justice.

« Ce ne sont point quelques pauvres moines envoyés par l’abbaye mère pour défricher ces biens incultes qui ont pu fonder un pareil établissement. Il a là, sans doute pour origine, une de ces donations royales comme les Carolingiens en firent tant d’autres, pour racheter les spoliations dont Charles Martel s’était rendu coupable envers le clergé. » Cela semble confirmé par une sentence du Parlement de Paris de 1494.

Ce prieuré était administré par des Augustins et étendait sa domination assez loin à la ronde. Il est cité dans une série de titres sous le nom de la Grand’Maison et sa juridiction s’étendait jusqu’au Boulay, Nouzilly, Monnaie. Les prieurés du Sentier, Monthodon et les Hermites, étaient aussi sous sa dépendance. Sous la direction des moines, les habitants, dispersés de côté et d’autre, se rassemblèrent et formèrent un village prospère. La contiguïté de Saint-Laurent avec le domaine de Château-Renault, fut, du XIe au XIVe siècle, une source de démêlés continuels entre Marmoutier et ces seigneurs, au sujet de l’exercice de la justice et aussi des redevances auxquelles étaient tenus les habitants de Saint-Laurent.

Des voisins envahissants

Renault, seigneur de Château-Renault s’était emparé du droit de voirie et de justice dans toute l’étendue de la seigneurie, profitant sans doute de la désorganisation de l’abbaye fondée par saint Martin, mais tombée sous les coups des Normands et rétablie vers les années 1005. Ebrard, abbé de Marmoutier, se rendit près de Renault et obtint un désistement complet de ses prétentions, vers 1015 à 1020. Mais les successeurs de Renault, tel Guicher, en 1062, continuèrent d’inquiéter les abbés et les habitants de Saint-Laurent.

Ces derniers pouvaient être contraints à couper et à charroyer gratuitement les foins du seigneur de Château-Renault, à faire le guet dans la forteresse et à contribuer à la réparation de celle-ci. Par lettres patentes de 1339 et 1432, ils furent déchargés de ces droits.

Le même seigneur avait sur eux un autre droit, celui de chausse-fer, qui consistait en une redevance imposée sur toutes les denrées qu’ils portaient au marché. Cette taxe fut supprimée en 1666 à condition que le châtelain de Saint-Laurent (alors l’abbé de Marmoutier) verse tous les ans, la somme de 3 livres au seigneur de Château-Renault.

« Pendant toute cette période, les populations rurales étaient sans cesse en butte aux exactions des seigneurs féodaux. Les abbés de Marmoutier apparaissent comme les protecteurs de ces populations. Les terreurs religieuses et les enseignements de l’église étaient, en effet, les seuls freins que reconnaissaient ces rudes seigneurs. »

Un fief de Marmoutier

En 1319, le titre de prieuré de l’abbaye de Marmoutier était supprimé et réuni à la portion de l’abbé (ainsi que le prieuré de Neuville), cela du consentement du chapitre général de Marmoutier. La décision était ratifiée par lettres du pape Jean XXII, données à Avignon le XI des calendes de novembre, l’an IV de son pontificat. « Saint-Laurent, qui sortait de la masse générale des biens de l’abbaye pour devenir en quelque sorte la propriété particulière de l’abbé, échangeait enfin ses protecteurs contre un véritable seigneur. »

La vie de Saint-Laurent continuait comme celle de toutes les seigneuries : débats avec les seigneurs de Château-Renault, puis à partir du XIVe siècle, luttes intestines entre le seigneur abbé et les habitants, discussions et procès interminables, à propos des droits d’usage dans la forêt.

Jusqu’au début du XIVe siècle tout allait plus ou moins bien, entre les habitants de Saint-Laurent et leur seigneur, l’abbé : ils avaient bien trop besoin de sa protection pour se dresser contre lui. Mais le déclin de la féodalité, dû au développement du pouvoir royal, amena plus d’ordre et de sécurité dans la société et le seigneur, autrefois protecteur, apparaissait alors comme un ennemi.

En 1548, pour mettre fin aux difficultés, l’abbé céda à ses adversaires, en toute propriété, 300 arpents de bois, qui leur furent sans doute retirés par la suite, sous prétexte de malversations. En 1642, une assez grande quantité de bois fut vendue pour réparer les bâtiments de Marmoutier.

« Les abbés devenus commendataires, affermèrent leur terre de Saint-Laurent où ils avaient juridiction haute, moyenne et basse, et où un baillif, nommé et institué par eux, rendait la justice, ne se réservant que la jouissance de leur châtel du dit lieu, pour y aller résider quand bon leur semblait avec les gens de leur suite, ainsi que le précise le bail du 29 janvier 1639. Ce châtel n’est autre que l’édifice appelé la Grand’Maison (qui sert aujourd’hui d’église). »

La Grand’Maison et l’église étaient proches, mais l’église n’appartenait pas aux religieux, elle était indépendante et les rapports entre eux et les habitants ne semblaient pas excellents.

Plus tard, l’abbaye de Marmoutier fut rattachée à l’archevêché de Tours et l’archevêque de Tours en était l’abbé. Quelques-uns furent célèbres, comme le Cardinal de Richelieu, alors membre du Conseil du roi, à partir de 1629. Le fief de Saint Laurent appartiendra à l’évêché jusqu’à la vente des biens nationaux, en 1791. Il semble qu’en 1673, l’église n’était pas très bien tenue. À la suite d’un procès-verbal de visite de la dite église, l’archevêque de Tours envoie une ordonnance au curé de St-Laurent. Cette ordonnance en treize points, demande que les hosties soient renouvelées plus souvent, le tabernacle rénové, le maître autel mis dans un état plus propre et plus décent, les calices et une chaise raccommodés, que le presbytère soit réparé…

5° que l’autel de saint Blaise demeurera interdit et qu’on en ôtera incessamment les deux statues indécentes qui sont dessus.

7° qu’on évitera avec soin les cabarets pendant les offices divins les dimanches et jours de fête et qu’on ne travaillera point ces jours-là sans permission du curé sous quelque prétexte que ce soit.

9° que le cimetière sera fermé du côté du chemin et qu’on aura soin d’ôter d’autour des murs de l’église les terres qui y occasionnent de l’humidité surtout du côté du château (la Grand’Maison).

11° qu’il n’y aura que les sages-femmes approuvées de M. le Curé qui se mêleront de donner le baptême en cas de besoin. »

Qui habita vraiment la Grand’Maison ? sans doute des moines, puisque le jardin était cultivé. Mais les différents abbés de Marmoutier à qui appartenait ce bien vinrent-ils y résider « comme bon leur semblait » ? Peut-être vinrent-ils chasser dans les forêts ?

En 1822, Saint-Laurent-en-Gâtines a annexé la commune de Chenusson.

Anciennes cartes postales de Saint-Laurent-en-Gâtines
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Biographie du Professeur Monsieur MOUSSU, Bulletin N°59 – Juin 2012 et la 1ère voiture sur Saint-Laurent-en-Gâtines, Bulletin N°60 – décembre 2012.

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